Le sens et la mission de l’éducation dans la petite enfance

Il faut toute une tribu pour éduquer un enfant. 

Proverbe massaï

Si nous allons parler de notre époque, quel que soit le sujet à traiter, nous n’avons aucun moyen d’éviter la pandémie que nous avons subie et les nombreuses calamités qui sont venues de sa main. Des calamités mais aussi des apprentissages dont le plus spécial est le fait de savoir ce qui est vraiment important. Par exemple : la santé, la famille, les relations, pouvoir aller au travail sans crainte et l’éducation. Bien que de manière collatérale, nous avons pu constater comment tous les pays réaffirmaient l’importance de maintenir les écoles ouvertes pour rendre possible la vie et le bon fonctionnement des secteurs sociaux. Et on a constaté que la santé et l’éducation peuvent-doivent aller de pair. Il est évident que les écoles jouent un rôle social remarquable et que leur fonction dépasse largement le sens purement académique avec lequel elles sont identifiées. Certainement, dans les écoles on enseigne et on apprend, mais on vit et on cohabite aussi, on protège le corps et les liens d’affection ; c’est un lieu où on est à l’aise. 

Un aspect qui marque l’évolution de la « notion social » concernant l’éducation de la petite enfance porte sur le sens qui lui est attribué, c’est-à-dire, la raison pour laquelle les gens croient (les parents qui demandent des places scolaires disponibles pour leurs jeunes enfants) qu’on va à l’école maternelle. Évidemment, il s’agit d’une question de fortes incidences pédagogiques et culturelles. D’où que les changements soient plus lents et que le progrès soit accompagné de beaucoup de contradictions et revers.

Sauf les institutions avec un but d’assistance et de « garderie » dont la fonction principale est préfigurée dans le sens propre du terme (garder les enfants, leur prêter attention tandis que leurs parents vont au travail, ou profiter du temps scolaire pour offrir aux enfants une ambiance selon leurs besoins concernant l’hygiène, la nourriture ou les relations), nous pourrions dire que les établissements de l’éducation de la petite enfance ont naît généralement avec une orientation nettement « scolaire ».

En fait, si nous observons l’histoire de l’éducation des jeunes enfants, quand on commence à penser à une éducation formelle, cela se fait à partir d’une perspective de « préparation » pour l’école obligatoire. C’est pourquoi cette phase est proposée comme une étape « préscolaire » (une préparation pour l’école obligatoire). Dès les années 1970, on commence à réviser cette idée et à lui accorder des caractéristiques particulières et propres du travail scolaire avec des jeunes enfants : elle a un sens en soi-même et non seulement comme une préparation pour des moments scolaires ultérieurs. On part de l’idée que les premières années de la vie de l’enfant constituent un moment clé pour leur développement. Ainsi, on conclut qu’elles sont des années essentielles pour renforcer le développement global des enfants par le biais d’une action institutionnelle spécifique. Par conséquent, les approches d’assistance et celles de simple « préparation pour un moment ultérieur » sont dépassés et l’étape de l’éducation de la petite enfance est dotée d’une identité propre (incluant un programme spécifique, des professionnels spécialistes et des institutions différentes).

C’est à ce stade que des controverses sur le sens de la protection des petits garçons et des petites filles apparaissent. Quel est l’axe autour duquel l’engagement social envers eux doit se déplacer : la garde ou l’éducation ? La LOGSE a misé sur l’orientation vers l’éducation et elle l’a introduite comme un élément clé pour le développement des petits garçons et des petites filles ; la LOCE a repris l’idée d’une éducation préscolaire et elle a introduit le caractère d’assistance comme prioritaire dans la phase 0-3 et comme complémentaire dans celle de 3-6. La LOE récupère le sens éducatif et unitaire de cette étape.

Cependant, rien n’est noir ou blanc. Il faut trouver des nuances. Souvent, elles ne sont que des nuances linguistiques (par exemple : parler de caractère éducatif veut dire parler de caractère scolaire ?) mais, de manière générale, elles sont des questions plus profondes et qui affectent la façon de concevoir et de mener à bien l’offre des dispositifs et des ressources mises à la disposition des enfants.

Dans des pays comme le nôtre, nous avons l’habitude de penser l’attention aux jeunes enfants en termes d’écoles ou de centres (garderies ou écoles maternelles). Mais cela implique une vision clairement restrictive. Face aux pays avec un large éventail de possibilités d’attention, les modèles qui mettent l’accent sur l’éducation (comme l’espagnol) ont tendance à présenter moins d’options. D’ailleurs, étant donné que ces options sont plus soumises aux déterminants de l’administration éducative (horaires, endroits où sont placées les écoles, normatives concernant les espaces, les professionnels, les ressources disponibles, etc.), l’attention de la petite enfance doit être enfin conciliée avec d’autres priorités (droit du travail des professeurs, culture scolaire, localisation des centres, etc.).

Ainsi, nous pouvons affirmer que, tandis que dans d’autres pays (parmi eux tous ceux qui mènent des politiques d’attention de l’enfance basées sur le modèle de GARDE) il y a un large éventail de dispositifs destinés aux besoins du jeune enfant, la situation en Espagne est beaucoup plus linéaire : les seules possibilités disponibles sont les garderies ou les écoles maternelles. Bien entendu, il existe d’autres modalités d’attention dans la propre maison par des membres de la famille, mais cette alternative n’existe pas de manière formelle comme une activité différente de l’attention proprement familiale (c’est-à-dire, ce n’est pas une modalité soutenue par les Administrations avec des mesures et des ressources spécifiques).

En 1995, le groupe d’études du Conseil de l’Europe, chargé de faire le bilan et l’étude prospective sur la situation de l’Éducation de la petite enfance en Europe, a présenté son rapport : A Review of Services for Young Children in the European Union : 1990-1995. L’une de ses recommandations insistait sur la nécessité de fusionner les deux orientations (Care et Education) en une seule (Educare). En effet, lorsqu’on parle de l’Éducation de la petite enfance dans le contexte international, l’expression utilisée est Early Childhood Education and Care. Et l’expression la plus fréquente est childcare. 

En conséquence, il convient de parler de politiques de l’enfance. L’école maternelle peut être un élément clé de ces politiques mais il doit forcément avoir d’autres acteurs qui s’occupent des multiples dimensions où sont présentées les demandes et les besoins des enfants et des familles. Ce sont des demandes concernant la santé, la nourriture, le loisir, l’égalité des genres, l’incorporation des femmes dans le monde du travail, et avec la qualité de vie en général. Tout cela exige des politiques liées à la petite enfance qui vont au-delà de la simple scolarisation. 

À mon avis, tel est le grand défi de l’Éducation de la petite enfance pour le siècle qui s’ouvre : atteindre un tissu social sensible aux besoins des enfants et qu’il soit prêt à participer dans un projet collectif favorisant le développement sain et riche de nos enfants. Comme Bondioli et Orsola ont souligné avec précision : Le droit de l’enfant à l’éducation n’est pas un problème essentiellement privé qui doit être résolu au sein de la famille. Il ne s’agit non plus de la délégation que la famille fait dans le système éducatif ou de welfare. Il s’agit d’une question publique qui concerne toute la société civile et non seulement les familles avec des enfants. Il s’agit donc d’une question publique qui compromet les responsables des politiques de l’enfance (La qualité négociée).

Miguel Zabalza est docteur en psychologie (1979), licencié en éducation (1973) et diplômé en criminologie de l’Université Complutense de Madrid (1978). Il a été professeur aux universités Complutense de Madrid, Comillas, UNED et, pendant 26 ans, il enseigne à l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle, actuellement en tant que professeur de didactique et d’organisation scolaire. Il a occupé divers postes à l’Université : Doyen de la Faculté des sciences de l’éducation ; directeur de l’Institut des sciences de l’éducation; Directeur du Département, Membre du Sénat et du Conseil d’Administration de l’Université, Membre de la Commission Qualité. Président de l’AIDU (Association ibéro-américaine de didactique universitaire). Il fait partie du comité exécutif du RED-U (University Teaching Network) et du comité de rédaction de son magazine. Ces dernières années, il a été membre du comité exécutif de l’EECERA (European Early Childhood Educational Research Association) du comité de rédaction de l’EECERJ (European Early Childhood Educational Research Journal). Membre du comité éditorial du magazine BORDON. Chercheur principal de 25 projets de recherche d’envergure nationale et internationale et auteur (ou co-auteur) de plus de 100 livres, dont certains traduits en plusieurs langues (italien, français, portugais, basque). Parmi eux, les plus connus sont : Conception et développement du curriculum (actuellement dans la 9e édition) ; Enseignement universitaire. La scène et ses protagonistes (2002) ; Les compétences pédagogiques du personnel enseignant universitaire. Qualité et développement professionnel (2003) Il a promu la publication dans Editorial NARCEA de la Collection UNIVERSITÉ comme “un espace commun de rencontre et de débat sur les questions de Didactique Universitaire”

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