Nous vivons un processus accéléré de développement et d’expansion des systèmes technologiques numériques. Smart Tv, smartphones, ordinateurs, notebooks, netbooks, tablettes, ebooks, drones, robots, imprimantes 3D peuplent les différents espaces de la vie sociale et individuelle de nos sociétés. Dans le domaine de la production et des services, ce que l’on appelle l’Internet des objets (IoT, par le sigle en anglais) permet d’exploiter des systèmes dans lesquels des appareils, des machines-outils, des instruments de mesure et des systèmes complexes d’extraction de données sont interconnectés sans la médiation de l’homme. La pandémie mondiale COVID-19 a mis en évidence les performances de ces technologies et leur potentiel d’intervention dans le système de santé, le transport, le commerce et l’industrie. Les différents vaccins pour faire face au virus, créations de la biotechnologie, seraient impensables sans l’existence de diverses applications et ordinateurs pour la simulation, la conception et le développement de multiples projets.
Cette croissance sans précédent des systèmes algorithmiques indique que les technologies informatiques vont imprégner notre vie quotidienne et donc nos possibilités de participation et de développement dans les communautés que nous habitons.
Une telle déclaration implique une prise de position et le déploiement d’actions spécifiques dans le domaine de l’éducation. Mais pas d’un point de vue strictement pédagogique, en vue de futurs emplois dans l’industrie informatique, sinon étroitement lié à l’élargissement des possibilités de participation, d’expression et de création dès la petite enfance. Parce que la connaissance, la conception et la production de ces technologies sont directement liées à l’exercice des droits fondamentaux de millions de personnes dans le monde.
SI en ECE : bref rapport d’avancement
Depuis la deuxième décennie de ce siècle, plusieurs initiatives ont été lancées pour enseigner les Sciences Informatiques (SI) dans l’éducation de base dans les pays. Pour ne prendre que quelques exemples, on peut considérer ceux de l’Estonie en 2012 (ProgeTiger https://www.educationestonia.org/progetiger/), de Singapour en 2016 (Code@SG https://codesg.imda.gov.sg/), de la région Asie-Pacifique depuis 2016 (So et al, 2020 https://doi.org/10.1007/s40299-019-00494-w), de l’Australie en 2017 (Digital literacy https://www.australiancurriculum.edu.au/media/7024/gc_digital_literacy_ict_capability_consultation_curriculum.pdf) et de l’Argentine en 2018 (Aprender Conectados https://www.educ.ar/recursos/132344/aprender-conectados-educacion-digital-programacion-y-robotica).
Comme point communs, on peut noter que, bien que toutes les initiatives n’incluent pas la maternelle, elles sont conçues pour le domaine de la petite enfance (jusqu’à 8 ans). De même, bien qu’il soit toujours question de la nécessité de combler la fracture numérique (accès aux appareils et connectivité), l’accent est mis sur la culture numérique, comprise comme l’acquisition de connaissances et de compétences pour une appropriation critique des technologies numériques.
D’autre part, les nuances les plus réitérées portent sur la modalité d’intégration de ces contenus, qu’il s’agisse d’un espace/zone séparé(e), intégré(e) au reste du programme d’études ou par le biais d’activités extrascolaires (ateliers, clubs). Il convient d’ajouter qu’il existe différentes modalités de mise en œuvre (centralisée par les États ou par des organisations privées), ce qui a des conséquences sur l’ampleur et la profondeur de la mise en œuvre.
La maternelle, un contexte propice à l’enseignement des SI
Les études soulignent que les propositions liées à l’expérimentation elle-même, ainsi que l’intégration avec des problèmes significatifs pour le groupe d’étudiants permettent un meilleur apprentissage des SI. À son tour, le fait de comprendre la pratique de l’interaction avec les ordinateurs comme une communication dans diverses langues est une perspective souhaitable pour l’enseignement dès les premières années.
S’il existe un endroit où de telles choses se produisent de manière gluante et assidue, c’est bien la maternelle au niveau primaire. Les particularités didactiques de cette étape de la scolarité offrent un contexte propice pour l’enseignement des SI. Pour les enfants de 4 ou 5 ans, il est possible de penser à des progressions qui incluent la programmation non connectée, la programmation physique avec des cartes de commande de base et la conception de programmes dans des environnements de programmation par blocs. Des programmes d’études liés à la programmation de robots éducatifs par la saisie de commandes ou via des applications à partir de smartphones ou de tablettes peuvent également être envisagés. Il est souhaitable de les intégrer aux jeux de construction et à d’autres domaines du programme actuel pour l’ensemble du niveau. Par ailleurs, il s’agit de mettre en place des projets visant à intégrer les SI dans une perspective d’EDD. C’est-à-dire en favorisant la production de créations qui permettent aux enfants d’exprimer les problèmes qu’ils rencontrent, la violation de leurs droits, la recherche de changements et de nouvelles opportunités.
Nous devons nous rappeler que les processus de changement culturel générés au cours des premières années peuvent être plus profonds et plus durables, tout en ayant un impact sur les communautés.
Les clés de la formation des enseignants, les approches globales et les communautés de pratique
Il y a plusieurs décennies, le début du déploiement des ordinateurs se situait à l’autre bout du spectre (universités, laboratoires). Les initiatives du XXI siècle fournissent de nombreuses propositions pour les écoles secondaires et primaires. Bien que la nouveauté soit encore plus grande, le niveau préscolaire (comme dans de nombreux autres sujets) a été notablement négligé. Si nous nous engageons dans une formation visant à renforcer et à innover les pratiques pédagogiques, il est nécessaire de construire des propositions en accord avec ce précepte.
L’une des clés est de mettre en œuvre des propositions intégrales. Dans ce cas, ils doivent inclure dans leur démarche l’analyse des technologies et leur lien avec la société ; la pensée informatique, la programmation et la robotique ; ainsi que des contenus théoriques liés aux particularités pédagogiques-didactiques de la maternelle ; ainsi que l’approche des outils numériques pour ces productions. En bref, ils doivent donner la force aux équipes pédagogiques afin qu’elles puissent intégrer ce contenu de manière critique et créative.
Une autre est la création de communautés de pratiques sur l’enseignement des SI dans le niveau préscolaire. Espaces d’échange, de collaboration et de réutilisation des propositions, réunions, publications et recherches. C’est aussi le lieu où trouver des réponses aux problèmes et où penser aux articulations horizontales (avec d’autres maternelles) et verticales (écoles primaires et secondaires) avec des affinités d’intérêts. Il s’agit d’un processus vivant, qui ne se limite pas au temps de la formation et qui inclut l’accompagnement dans la phase de mise en œuvre des innovations.
Au lieu de rester à la traîne derrière des propositions qui ne reflètent pas les besoins et les désirs des enfants, nous mettrions en place de véritables processus de construction de connaissances pertinentes et pédagogiquement, socialement et culturellement situées, disponibles pour cette communauté ou d’autres. Ces constructions pourraient même (et il est souhaitable qu’elles le fassent) servir d’intrants pour la conception de matériel et de logiciels éducatifs offrant un plus grand potentiel pour l’apprentissage des filles et garçons dans la petite enfance.
Les propositions de formation auxquelles nous participons, ainsi que les résultats des études que nous entreprenons ou que nous sondons, confirment la nécessité d’avancer dans cette voie. Les impacts à attendre sont bien plus importants que ceux offerts par des propositions “encadrées”, axées sur la manipulation et avec peu ou pas de suivi ultérieur. Même du point de vue des ressources allouées, il s’agit d’une utilisation plus efficace des ressources.
C’est dans cet esprit que nous avons présenté des propositions de ce type en Argentine, qui sont sur le point d’être mises en œuvre. Nous espérons que la 72e Assemblée mondiale pourra être le lieu d’échanges pour que l’OMEP World, et le vaste réseau d’organisations avec lequel elle est active, envisage les possibilités de porter cette perspective à l’échelle mondiale.

Gabriela Ceballos est enseignante et diplômée en Éducation de la Petite Enfance (EPI, par le sigle en espagnol). Elle travaille actuellement à la rédaction de sa thèse sur les politiques de formation informatique des enseignants de maternelle à Córdoba, pour le Master en éducation de la petite enfance – Université de Buenos Aires (UBA). Maître de conférences dans la spécialisation d’enseignement de niveau supérieur en technologies numériques et éducation dans l’Institut supérieur d’études pédagogiques (ISEP), à Córdoba, en Argentine. Elle a travaillé dans des projets d’éducation populaire et elle a enseigné dans divers jardins d’enfants et écoles maternelles pendant plus de 15 ans. Aujourd’hui, elle est formatrice dans deux cours de formation d’enseignants et formatrice dans des cours de troisième cycle et de perfectionnement pour la petite enfance.

Martín Torres est un boursier de recherche doctoral au Conseil National de Recherches Scientifiques y Techniques (CONICET, par son acronyme en espagnol) et à l’Université Nationale de Córdoba (UNC), en Argentine. Il poursuit un doctorant en éducation en sciences fondamentale et technologique de la Faculté de mathématiques, d’astronomie, de physique et d’informatique (FAMAC, à l’UNC), où il effectue des recherches sur l’enseignement de l’informatique aux enseignants de l’ECE. Il est titulaire d’une maîtrise en technologie, politiques et cultures. Il est membre du département d’enseignement des technologies numériques et de l’informatique de l’Institut supérieur des études pédagogiques à Córdoba. Enseignant et formateur. martin.torres76@gmail.com
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